Vendredi, 26 novembre 2010 à 23 : 29

L'été, je prenais le temps de vivre et parfois, je m'arrêtais sur la digue Nord pour prendre mon pouls et regarder le ciel en prenant mon pouls. Là. Comme ça. Rien d'autre. Les goélands. Le bleu. Un nuage.
(Elle murmure, comme son pouls murmurait) Tou-toum. Tou-toum. Un avion à dix-mille pieds.
Tou- toum. Une traînée de fumée blanche qui disait qu'un garçon pensait à moi, un brun ou un
blond, un roux jamais, les roux ne pensent pas aux filles, ils se demandent comment faire
pour devenir bruns ou blonds. Tou-toum. Il fait un temps magnifique. (Elle se met à
danser, doucement, en fermant les yeux) Personne ne danse comme moi. Les loups de Tex
Avery. Les Chinois. Les goélands. Eugène Boudin. Personne. L'été, je prenais le temps de
vivre. Je marchais sur la digue Nord. J'étais seule.

Dans ma tête, je comptais les personnes à qui j'aurais pu dire : je t'aime. Là, tout de suite,
comme ça. Et je n'avais pas assez de doigts pour compter, alors mon coeur était grand.
J'accélérais le pas. J'accélérais, à cause de mon coeur. Mes rêves. Mes rêves, je les notais
dans un autre cahier. Ou alors des histoires vraies, tellement vraies qu'elles ont l'air de
rêves qu'on a mis sur terre.

Il fait un temps magnifique. Je ne vois pas grand monde sur la digue Nord. Je regarde le ciel. Je prends mon pouls. Encore une langue pendue pour me dire que je suis belle. J'éclate de rire.
Ça fait bouger la terre sur son axe. Rien que ça. C'est l'été. Je prends mon temps. Je n'ai pas assez de doigts.
Mon coeur est grand. Mon coeur est — Voilà.
 
Ce soleil-là, sur la digue Nord.
 
Fabrice Melquiot

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